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UNE SEMAINE D’OURAGAN RÉVOLUTIONNAIRE

droit d’y faire une perquisition brutale. Nous nous rejetons dans une chambre dont les fenêtres, voilées de stores, donnent sur la cour. La foule s’y presse, surexcitée, gesticulante. Un brouhaha menaçant monte jusqu’à nous. Les sabres brandis luisent, trois coups de fusil partent ; les femmes, dont le froid ne diminue pas l’exaltation, montrent nos fenêtres du doigt. Aussitôt la cohue turbulente se rue dans l’escalier de service en tirant de nouveaux coups de feu. Pas de doute, c’est à nous qu’ils en veulent ! Pourtant nous ne cachons personne. Qui donc leur a fait un faux rapport ? Mon amie épouvantée saisit son enfant dans ses bras, le cache dans la salle de bains… Pauvre cachette où l’on aurait vite fait de le découvrir. Puis elle court à son mari, que l’on vient assassiner peut-être !… Minute pathétique. Mme de la Croix prie à voix haute : « Seigneur, ayez pitié de nous ! » Yvonne de la Croix et moi nous enfilons à la hâte nos manteaux, nos bottikis[1], afin

  1. Bottes de feutre, spéciales aux contrées du Nord et que l’on chausse par-dessus les bottines pour se garantir du froid.