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LA RÉVOLUTION RUSSE

autant espéré, autant souffert. L’abattement et l’exaltation se succédaient dans mon âme avec une extraordinaire rapidité. Ma sensibilité était portée au paroxysme. Je comprenais pour la première fois ce que durent éprouver les grands martyrs de la liberté russe. Je brûlais de me dévouer comme eux.

« J’arrivai à la hauteur du Palais d’Hiver. Tout de suite j’eus l’impression d’être sur le front. Les coups partaient par salves, comme en exécution d’un ordre donné. Les troupes insurgées tiraient sous l’arc de la Morskaïa et les défenseurs du palais leur répondaient. Je cherchai une troupe organisée pour me joindre à elle. Près du Musée de l’Ermitage, il y avait une masse de soldats, conduits par trois officiers. Je traversai la place à grandes enjambées, sous une pluie de balles. Les officiers m’accueillirent avec plaisir. On me donna une soixantaine d’hommes, un revolver et… carte blanche. Il faisait déjà nuit. Je donnai à mes hommes l’ordre de rallier à volonté la colonne Alexandre, qui occupe le milieu de la place, juste en face du palais. J’aurais voulu en prendre la grande porte et y pénétrer le premier. Mais elle était trop solide et