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UNE SEMAINE D’OURAGAN RÉVOLUTIONNAIRE

soir, à l’hôtel Astoria. Elle en revient et n’ose plus avancer, ni reculer. Je la prends sous ma protection, mais la situation est telle dans les parages de l’hôtel de l’Europe que je trouve plus sage de me diriger vers Astoria où j’ai pu la ramener.

« J’étais terriblement las. Je sentais mon état moral empirer de minute en minute. Je pensais à la guerre, que nous perdrions si la révolution se prolongeait ; à la France que j’aime, où j’ai vécu six ans et que nous risquions d’entraîner dans notre débâcle ; à la révolution, que mon patriotisme avait souhaitée, mais dont le triomphe était encore moins que certain ; aux horreurs de la répression qui la suivrait en cas d’échec. Je pensais à mon père et à ma mère, jadis emprisonnés pour leurs idées libérales, mêlés à la sanglante tragédie de Yakout, traînés dans les bagnes de Sibérie ; à tous ceux qui, depuis de longues années, travaillent, souffrent, meurent pour que se lève enfin sur la Russie une aurore de justice et de liberté. Cette aurore, elle luirait peut-être demain, mais, aussi, comme il en faudrait peu pour que nous retombassions dans des ténèbres pires !… Jamais je n’avais