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LA RÉVOLUTION RUSSE

« Soudain, je me heurte à un officier de mes amis. Il a l’air égaré ; il pâlit et rougit tour à tour. Sa nervosité se traduit en phrases saccadées, en gestes incohérents. Son régiment (Litowsky) s’est réuni aux insurgés. Beaucoup d’officiers ont été tués ; lui-même ne sait comment rejoindre ses hommes. Il me quitte comme un fou et se perd dans la foule.

« Il commence à faire nuit ; je reviens vers la Newsky déserte. Les globes électriques brûlent à peine. Une terreur froide plane. Des ombres hâtives glissent le long des murs… Je suis fatigué et m’en vais d’un pas découragé et nonchalant. Près de la Morskaïa, je rejoins un petit groupe et j’entends des coups de feu. Un soldat et deux ouvriers, abrités par les poteaux du tram et des globes électriques, prenaient la Morskaïa en enfilade. Dans le groupe des passants que j’ai rejoints, il y a une femme en larmes. En très mauvais russe, elle me demande : Voyennaïa Gostinitza (l’hôtel militaire, ancien hôtel Astoria). C’est une Roumaine, mariée à un Français. Habitant l’hôtel de l’Europe, elle a eu la fâcheuse inspiration d’accepter à dîner, ce