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LA RÉVOLUTION RUSSE

résolutions, le peuple va passer aux faits.

Un ami, bien placé pour avoir les nouvelles les plus rapides et les plus sûres, me téléphone de la Douma. Les événements décisifs ont commencé. À huit heures du matin, les députés ont eu connaissance d’un oukase du Tsar prorogeant l’Assemblée. Aussitôt la nouvelle connue, un sentiment de consternation et d’abattement s’est emparé de toutes les âmes. La Douma renvoyée, c’est le pays livré à Protopopoff et aux germanophiles, la guerre perdue et la Russie trahie. C’est aussi le peuple, sans chefs pour le guider et le retenir, abandonné à ses instincts de colère et de vengeance et, après, ce seront les horreurs d’une implacable répression.

Un certain nombre de députés, très abattus par la décision impériale, parlaient d’obéir ; d’autres affirmaient que l’on aurait l’armée avec soi, qu’il fallait jouer le tout pour le tout. L’hésitation dominait. Quelques-uns désiraient conférer avec leur groupe avant de prendre une décision. Un des leaders les plus hardis et les plus écoutés de la gauche, M. Kérensky, prenait, dit-on, son chapeau et s’apprêtait à sortir… À ce moment une chose