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LA RÉVOLUTION RUSSE

moment est la continuation du carnage impérialiste ! »

Lénine a quitté l’estrade. Et, simplement, Kérensky s’avance. Tous les cœurs battent dans toutes les poitrines. Toutes les pensées convergent vers lui. Il est comme porté à la tribune par les regards admirateurs et passionnés de la foule. Il le sait. Il le sent. Il y a entre lui et l’âme profonde de la démocratie russe une constante et merveilleuse communion. Sous l’apparence calme, sous les dehors presque froids de cet avocat devenu tribun, bouillonnent tous les enthousiasmes, toutes les pitiés, toutes les aspirations d’un peuple enfin libéré. Jamais homme ne trouva si bien les chemins qui mènent au cœur des foules : jamais foule ne rencontra un homme en qui si parfaitement s’incarner. La Russie révolutionnaire, ce n’est pas la poignée léniniste, hurlante et destructive, c’est la multitude que représente celui qui marche à cette tribune avec la ferme attitude d’un lutteur pour la vérité.

— M. Lénine, remarque Kérensky, a oublié qu’un marxiste qui propose de tels remèdes au mal social n’est pas digne d’être appelé