Page:Markovitch - La Révolution russe vue par une Française, 1918.djvu/273

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
269
VERS L’OFFENSIVE

listes, et je suis souvent frappé de la justesse de leurs réflexions.

Cet apostolat d’un nouveau genre, suscité par les élections, s’exerce parfois jusque dans la rue. Le même ami, se rendant un de ces derniers soirs à la Douma de la ville pour la préparation des listes, m’emmène avec lui. En route, nous voyons s’avancer vers nous un soldat, casquette sur l’oreille, et décrivant sur le trottoir d’invraisemblables festons. Le spectacle ici est plutôt rare : cependant depuis la Révolution et le pillage des caves, il se rencontre quelquefois.

— Eh bien ! camarade, s’écrie mon compagnon, en ces grands jours où chaque citoyen a besoin de se sentir le cerveau clair, est-ce que vous ne trouvez pas honteux de vous être mis en cet état ?

Le soldat s’arrête et paraît chercher à réunir ses idées en fuite.

— Oui, oui, c’est vrai ; c’est bien vrai, camarade. Mais voilà : nous étions là-bas quelques amis, on a fêté la liberté ensemble, on a bu de bonnes choses… alors, vous comprenez !

Puis, pris d’une inspiration subite :