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UNE SEMAINE D’OURAGAN RÉVOLUTIONNAIRE

On aurait envie de se sentir heureux, s’il ne s’agissait pas d’un pèlerinage d’exaltés vers une ville en révolte ; si les Allemands ne tenaient pas entre leurs griffes la Pologne et tant d’autres régions dévastées ; si nous n’étions pas à deux doigts de la défaite, de la famine, si… si… ! Comment peuvent-ils oublier tout cela ?

À midi, Tchéidzé arrive, accompagné des ouvriers des usines Oboukov et Poutilov. Couronnes déposées sur les tombes des victimes, discours, tout le cérémonial sur lequel trois mois de révolution nous ont déjà blasés. Partout des marins, avec leurs bérets à rubans flottants, leurs cocardes rouges, et des visages plus hardis encore, plus déterminés, plus inquiétants que ceux des soldats de Pétrograd… Des meetings s’organisent sur les places. On demande à Tchéidzé de prendre la parole. Le président du Conseil des ouvriers et soldats de Pétrograd met les marins en garde contre les décisions irréfléchies, comme celle que l’on a prise à Cronstadt. La ville de Cronstadt ne peut vivre seule, isolée du reste de la Russie et de la capitale ; sa manière d’agir risque d’apporter du désordre dans la révolution.