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UNE SEMAINE D’OURAGAN RÉVOLUTIONNAIRE

révolutionnaire. J’en ai recueilli le récit, il y a deux jours, de la bouche même d’un des matelots du Potemkine, à la gare Nicolas où nous étions venues, une amie et moi, attendre le retour des déportés.

« Huit cents d’entre nous débarquèrent en Roumanie, nous dit le marin. J’étais de ce nombre. Comment vivre là-bas ? Ce fut d’abord très dur. On ignorait la langue ; on avait sur soi très peu d’argent… Heureusement j’avais un métier. Mécanicien à bord du Potemkine, je me présentai dans plusieurs usines. Enfin, je fus embauché. Entre mes heures de travail, je voyais souvent mes camarades. La révolution ayant échoué en Russie, il ne fallait pas songer au retour. Je me croyais en Roumanie pour toute ma vie. Un jour, mes compagnons m’annoncèrent qu’un très riche Russe, dont j’ai oublié le nom et qui habite l’Amérique, leur proposait de venir dans ce pays et leur en fournissait les moyens. Presque la moitié d’entre eux acceptèrent. Je sus plus tard que notre riche compatriote leur avait distribué des terres et qu’ils étaient devenus colons. Je pense qu’ils ont renoncé à toute idée de retour dans leur