trottoirs sur la chaussée. Pas de cris : la plus ferme résolution sous le plus grand sang-froid. Quelle différence avec les foules exaltées et mystiques de 1905, vivant une légende, dans une atmosphère de mystère et d’apparat religieux ! Le peuple de 1917 est réaliste. Deux ans de guerre l’ont plus mûri qu’un siècle de tranquillité et de paix.
Je continue à longer la Perspective. Tout à coup un jeune praportchik qui commande un détachement de Cosaques étend le bras d’un geste brusque et un son rauque sort de sa gorge. Les Cosaques obéissent à l’ordre, piquent des deux et chargent pour déblayer la chaussée. La foule s’écarte en courant, puis se reforme derrière le passage des chevaux et crie : « Hourrah ! » On s’étonne de la modération des Cosaques, d’ordinaire si farouches dans la répression. Leur charge exécutée, ils continuent tranquillement à longer la Perspective, au pas, le visage souriant et regardant avec satisfaction la foule qui les acclame. Un ouvrier s’approche d’un officier à cheval :
— Votre Haute Noblesse, rappelez-vous que nous sommes des affamés !…
Les vivres ont encore renchéri pendant ces