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UNE SEMAINE D’OURAGAN RÉVOLUTIONNAIRE

Russie, la guerre a fait rétrograder de cent ans la civilisation. Ne trouvant plus d’étoffes à un prix raisonnable, les paysannes se sont remises à filer la toile et à tisser les habits. Les vieux métiers ont revu le jour et l’on entend de nouveau au fond des isbas leur ronronnement monotone. Faute de pétrole, dont l’expédition dans les villages est presque arrêtée par suite de la crise des transports, on est revenu au mode d’éclairage contemporain d’Ivan le Terrible : un bout de bois, fiché entre deux des rondins qui forment les murs de la chaumière et que l’on remplace toutes les cinq minutes. Ne pouvant plus se procurer de souliers confectionnés, on s’est remis aux chaussures à semelles de bois que l’on fabrique soi-même, et l’on revient aux « laptis » en écorce de bouleau tressée, dont l’usage commençait à se perdre dans de nombreux villages. La difficulté qu’il éprouve à se procurer du sucre fait aussi que le paysan refuse de vendre son miel dont il a besoin pour sa boisson indispensable : le thé.

Le niveau moral qui commençait à s’élever parmi les paysans depuis la suppression de