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UNE SEMAINE D’OURAGAN RÉVOLUTIONNAIRE

granges, on entend des voix animées, des cris… Que se passe-t-il ?… Ceci : Derrière les granges il y a un groupe d’individus. Personne ne les connaît. Ils interrogent les femmes ; ils demandent à chacun compte de ce qu’il possède. Ils ne ressemblent pas à des Russes… Certainement ce sont des étrangers venus pour s’approprier le blé… Des voix crient : « Où sont donc les moujiks ?… Vite ! qu’ils prennent des haches et des bâtons ! » Et voilà le village en rumeur. Or, le plus souvent, les malheureux contre lesquels le paysan s’ameute sont ou des ouvriers chargés de quelque mission technique, ou des envoyés du gouvernement pour négocier l’achat du blé ! Il est vrai que certains accapareurs sans scrupules ont d’une fois spéculé sur l’ignorance ou sur la timidité native du paysan !… Et maintenant l’on se méfie.

Le paysan refuse de vendre son blé, car il a peur de manquer de pain. La grange lourde lui fait l’âme légère. Plus à l’aise depuis qu’il a cessé de boire de l’alcool, il consomme volontiers ses produits au lieu de les vendre. Il y gagne de ne pas fatiguer son cheval et de ne pas perdre lui-même deux ou trois journées