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UNE SEMAINE D’OURAGAN RÉVOLUTIONNAIRE

vernement de Riazan. — Tu penses à toi… lais les autres… Ceux qui sont des gouvernements voisins, des Kitchinev, de la Petite-Russie ?… — Ah ! ceux-là, a répondu le soldat, je ne les empêche pas de se battre ! »

Altruiste et fraternel, le soldat russe n’a cependant pas la notion de la solidarité patriotique. Sous la férule du tsarisme, les idées simples et claires que tout homme normal porte en soi se sont atrophiées dans l’âme russe. En considérant comme un délit politique toute tentative de groupement des masses populaires, dans un pays où le climat, la constitution géologique, l’énormité des distances, font de l’éparpillement et de l’isolement de l’individu comme les conditions naturelles de la vie, les gouvernants ont réduit le peuple à une sorte de poussière humaine, à un système mécanique d’individus juxtaposés mais sans cohésion. Il est plus facile de critiquer le peuple russe que de le comprendre. Qui le comprend l’excuse… Pour un paysan russe d’avant la guerre, la patrie ce n était pas l’ensemble de ces villes lointaines, paradis inaccessibles dont souvent il ne connaissait pas même les noms, — de ces beautés