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LA RÉVOLUTION RUSSE

ne circulent plus. Impossible de trouver un isvostchik (cocher). Après une longue attente, j’aperçois un traîneau vide. Je m’élance… Mais un monsieur, plus prompt, m’a devancée, a pris place sur le siège étroit. Le traîneau va repartir… Je jette un appel irréfléchi et désespéré : « Pajalousta, vasmittié minia! » (Je vous en prie, emmenez-moi !) L’heureux preneur du traîneau se retourne, fait un geste de consentement. Je saute auprès de lui et le léger véhicule glisse sur la neige aux regards un peu ébahis des spectateurs ! C’est l’enlèvement forcé. Mais quoi ! ne sommes-nous pas au prélude de la révolution ? Tandis que je m’excuse et m’explique, le traîneau nous emporte vers des régions plus calmes. Mon compagnon et moi nous échangeons quelques prévisions. Il croit à une révolution immédiate. On a vraiment trop souffert. Et puis, le peuple est las de la germanophilie de ses gouvernants. La lutte est engagée : mais qui aura le dernier mot ? Il rappelle 1905 : le peuple allant au Palais d’Hiver en portant les icônes et le portrait de l’Empereur ; la Constitution accordée, puis reprise peu à peu… Cette fois, il est à craindre que le peuple n’ait