Des fenêtres de l’Hôtel Astoria orientées vers le Palais Marie, le spectacle est extraordinaire. Le décor, la foule, la montée des voix, les effluves émanés de ces masses en ébullition, sont plus grisants que les fumées de l’alcool. On croit assister à quelque formidable poussée du peuple dans les soirs tumultueux de Ninive ou de Babylone !…
L’un après l’autre, afin de calmer cette attente qui s’angoisse, les ministres paraissent au balcon. Goutchkov, malade, la main appuyée sur son cœur pour en comprimer les battements, jette en paroles ardentes son âme à la multitude… Et tout à coup, un hourrah formidable retentit, pareil à une tempête qui passe sur les grands chênes ; dans la foule un mouvement se produit, analogue à celui des vagues au temps des grandes marées : c’est Milioukov que la foule acclame et veut voir, et veut entendre. Le ministre proteste de la bonne foi du gouvernement provisoire, de sa propre fidélité à la-cause de la Révolution…
Le poids tombe qui oppressait encore les poitrines ; l’apaisement se fait. On éprouve l’impression d’avoir échappé par miracle à un terrible danger. Longtemps encore, même