Page:Markovitch - La Révolution russe vue par une Française, 1918.djvu/164

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
160
LA RÉVOLUTION RUSSE

se frayer un passage. Pourtant, la première parole entendue est un appel à la sagesse et à la modération. Un soldat crie :

— Camarades, au nom de l’avenir de la Russie, restons fidèles au gouvernement provisoire. Provisoire ; il est provisoire, comprenez-vous ? Attendez l’Assemblée Constituante, c’est elle qui décidera de tout.

Non loin, une jeune fille en cheveux courts déclare :

— Écoutez Lénine ; c’est lui seul qui a raison !

Le reste de ses paroles se perd dans les protestations de la foule. Mais un homme se détache du groupe, gesticulant et indigné :

— Ne la croyez pas ! Ne la croyez pas ! Elle ment ! Elle dit que Lénine sauvera notre Russie ; Nacha Roussiia !

Et il met dans ce mot une expression de si profond amour que les larmes m’en viennent aux yeux !

Vers trois heures, nous arrivons sur la place d’Isaac. Au delà du square, dans l’immense espace quadrangulaire dont le Palais Marie occupe le fond, on ne distingue qu’une masse grouillante et un rouge frisson-