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UNE SEMAINE D’OURAGAN RÉVOLUTIONNAIRE

Néva les strophes ardentes de la Marseillaise ; dans l’ivresse joyeuse des farandoles enfantines déroulées sous les pas ; au milieu de l’enthousiasme sacré des foules, des applaudissements qui répondent aux discours tombant des soixante tribunes dressées dans la capitale et où des orateurs improvisés remuent à plein cerveau les plus hautes, les plus nobles, mais les plus dangereuses idées !…

Il faut le reconnaître, cette sorte de mysticisme révolutionnaire où se complaisent les âmes russes risquerait, s’il se cristallisait, de devenir néfaste au succès même de l’établissement de la liberté. À force d’entendre : « Vive la paix ! Vive la fraternité des Peuples ! » on finit par oublier que, derrière ses abris bétonnés, par delà ses infranchissables réseaux de fils de fer barbelés, le tigre allemand guette, pareil au fauve dans la jungle, et se réjouit de cette foi naïve en l’universelle fraternité qui est le piège où il nous attend.

La splendide folie de désintéressement qui s’est emparée de la Russie et qui, en cette journée du 1er  mai, a reçu la consécration