Page:Markovitch - La Révolution russe vue par une Française, 1918.djvu/137

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
133
UNE SEMAINE D’OURAGAN RÉVOLUTIONNAIRE

et froid, se sentait gêné, à cause des réflexions un peu ironiques de la foule…

Pendant des heures et des heures, le cortège de la mort roula sans cris, à travers l’immense ville. Lorsqu’il atteignit enfin la place du Champ de Mars, la nuit tombait déjà. Une barrière, ornée de drapeaux blancs et noirs, entourait le vaste emplacement. De hautes torchères secouaient au vent du soir leurs flammes fuligineuses. 184 cercueils descendirent dans la fosse, sans croix ni prêtres, salués seulement par 184 coups de canon. C’était le premier enterrement civil dans la Sainte-Russie…

Silencieusement, à travers les rues déjà sombres, s’écoula de nouveau l’énorme foule. Derrière elle, la lumière, rougeoyante des torches s’enfonçait de plus en plus dans la nuit…

Bien des changements se sont opérés en peu de jours. La révolution russe évolue avec une rapidité inouïe vers le socialisme. Au 20 mars, l’horizon politique russe peut se limiter ainsi. À l’extrême droite M. Milioukov, partisan et continuateur, — avec des nuances, bien entendu, — des idées de