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LA RÉVOLUTION RUSSE

cet hommage qu’elle rend à ses morts !

Chaque groupement a élu des surveillants qui règlent au moyen d’un drapeau blanc la marche du cortège. À chaque mouvement d’arrêt ou de remise en marche, les drapeaux s’abaissent ou s’élèvent, s’inclinent à droite ou à gauche, pareils sur l’océan des têtes à des vols blancs de mouettes au-dessus des vagues de la mer. L’ordre est si grand, les mouvements de la foule ont une telle précision mathématique qu’au tournant des rues le cercle décrit paraît tracé au compas.

Six cortèges défilent ainsi jusqu’à Gostiny-Dvor qui a été désigné comme point de concentration et où la foule stationne, paisible, de midi à six heures du soir… Le quartier de Narva a envoyé le drapeau rouge de 1905, relique sacrée, loque sublime déchirée par les balles et que l’ori salue avec respect.

Cependant les anarchistes firent sensation. À leur tête marchait un squelette d’anarchiste, barbe hérissée et longue, chevelure pendante, lunettes bleues, pistolet Colt à la main. Le drapeau noir portait en lettres rouges l’inscription fameuse : « Vive la Révolution sociale ! Vive l’anarchie ! » Mais le petit groupe, isolé