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UNE SEMAINE D’OURAGAN RÉVOLUTIONNAIRE

ques-uns des grands orateurs de la révolution ne prennent la parole : Rodzianko, Kérensky, Goutchkov… Mais le moment le plus émouvant, celui qui soulève des tempêtes d’applaudissements, c’est lorsque apparaît sur la scène, ou monte sur l’estrade, un des vieux combattants de la révolution russe, de 1905 ou d’avant, un Tchaïkowsky, un Lopatine, une Véra Figner, blanchi dans l’exil ou dans les prisons…

Le printemps est arrivé, brusque, brillant et chaud. Les canaux commencent à faire craquer leur armature de glace ; les rues ressemblent à des lits de torrents gonflés par les pluies d’hiver. On passe sur des planches, on piétine dans la boue, on s’enfonce dans un cloaque, mais on a du bleu sur la tête et de l’espérance dans le cœur. Pourquoi donc une telle espérance ? Les Allemands ont-ils évacué la frontière, de Libau à la Bessarabie ? Les usines débordent-elles à ce point d’obus que nous puissions escompter une définitive victoire ? Pétrograd regorge-t-il de vivres ? et n’y mourra-t-on plus de froid l’hiver prochain ? Les millions de réfugiés qui font craquer les ceintures de nos villes vont-ils rentrer dans leurs foyers ?