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UNE SEMAINE D’OURAGAN RÉVOLUTIONNAIRE

ils auront à continuer les traditions, puis il les conduit devant l’icône. Ainsi la première personne avec laquelle le soldat entre en contact, c’est l’officier appelé à le commander.

« Maintenant, imaginez les rapports qui vont s’établir entre ces deux hommes de milieu, d’éducation, de mentalité si différents. Le plus souvent, le moujik n’a fréquenté aucune école ; il ne peut s’exprimer qu’en un langage primitif comme sa pensée même. Du grand pays qu’il habite, il ne connaît que son village, perdu dans l’immensité des plaines, entre l’étang et la forêt. En fait d’édifice, il n’a vu que son église ou celle du bourg voisin. Arraché à ces spectacles familiers, il se sent faible, isolé, perdu. À côté de lui vit un autre homme, à la démarche aisée, à la parole facile, et cet homme est son chef. Il en a d’abord eu la crainte ; puis il s’est aperçu que ce chef était bon. Or, de tous les sentiments, celui auquel le paysan russe est le plus accessible, c’est la bonté. Le voilà rassuré ; à la crainte succède le respect. Les jours passent ; l’accoutumance se fait. Il ne tarde pas à s’apercevoir que tout ce qui lui arrive d’agréable ou d’utile à la caserne lui vient