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porter, que mon cœur ne lui pardonnerait pas ; et je ne veux point la perdre, s’il est possible. Toi, qui la connais et qui as sa confiance, dis-moi ce qu’il faut que j’espère. Que pense-t-elle de moi ? Quel est son caractère ? Ta réponse décidera de la manière dont je dois m’y prendre.

Lépine.

Bon ! c’est autant de marié ; il n’y a qu’à aller franchement ; c’est la manière.

Lisette.

Pas tout à fait. Faut cheminer doucement ; il y a à prendre garde.

Dorante.

Explique-toi.

Lisette.

Écoutez, monsieur ; je commence par le meilleur. C’est que c’est une fille comme il n’y en a point, d’abord. C’est folie que d’en chercher une autre ; il n’y a de ça que cheux nous ; ça se voit ici, et velà tout. C’est la pus belle humeur, le cœur le pus charmant, le pus benin !… Fâchez-la, ça vous pardonne ; aimez-la, ça vous chérit ; il n’y a point de bonté qu’alle ne possède ; c’est une marveille, une admiration du monde, une raison, une libéralité, une douceur !… Tout le pays en rassote.

Lépine.

Et moi aussi ; ta merveille m’attendrit.

Dorante.

Tu ne me surprends point, Lisette ; j’avais cette opinion-là d’elle.