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DIVERTISSEMENT


VAUDEVILLE


Maris jaloux, tendres amants,
Dormez sur la foi des serments
Qu’aucun soupçon ne vous émeuve ;
Croyez l’objet de vos amours,
Car on ne gagne pas toujours
À le mettre à l’épreuve.

Avoir le cœur de son mari,
Qu’il tienne lieu d’un favori.
Quel bonheur d’en fournir la preuve !
Blaise me donne du souci ;
Mais en revanche, Dieu merci,
Je le mets à l’épreuve.

Vous qui courez après l’hymen,
Pour éloigner tout examen,
Prenez toujours fille pour veuve ;
Si l’amour trompe en ce moment,
C’est du moins agréablement :
Quelle charmante épreuve !

Que Mathuraine ait de l’humeur,
Et qu’al me refuse son cœur,
Qu’il vente, qu’il tonne ou qu’il pleuve,
Que le froid gèle notre vin,
Je ne prenons point de chagrin,
Je somme à toute épreuve.

Vous qui tenez dans vos filets
Chaque jour de nouveaux objets,
Soit fille, soit femme, soit veuve ;
Vous croyez prendre, et l’on vous prend.
Gardez-vous d’un cœur qui se rend
À la première épreuve.