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Angélique.

On ne m’a point entendue me vanter que vous m’aimiez, quoique je l’eusse pu croire aussi bien que vous, après toutes les amitiés et toutes les manières que vous avez eues pour moi depuis que vous êtes ici ; je n’ai pourtant pas abusé de cela. Vous n’en avez pas agi de même, et je suis la dupe de ma bonne foi.

Lucidor.

Quand vous auriez pensé que je vous aimais, quand vous m’auriez cru pénétré de l’amour le plus tendre, vous ne vous seriez pas trompée. (Angélique ici redouble ses pleurs.) Et pour achever de vous ouvrir mon cœur, je vous avoue que je vous adore, Angélique.

Angélique.

Je n’en sais rien ; mais si jamais je viens à aimer quelqu’un, ce ne sera pas moi qui lui chercherai des filles en mariage ; je le laisserai plutôt mourir garçon.

Lucidor.

Hélas ! Angélique, sans la haine que vous m’avez déclarée, et qui m’a paru si vraie, si naturelle, j’allais me proposer moi-même. Mais qu’avez-vous donc encore à soupirer ?

Angélique.

Vous dites que je vous hais ; n’ai-je pas raison ? Quand il n’y aurait que ce portrait de Paris qui est dans votre poche.

Lucidor.

Ce portrait n’est qu’une feinte ; c’est celui d’une sœur que j’ai.