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Lisette.

J’ai tort ; mais tu lui ressembles si fort !… Eh ! monsieur, pardon. Je retombe toujours. Quoi ! tout de bon, ce n’est pas toi ?… Je veux dire, ce n’est pas vous ?

Frontin, riant.

Je crois que le plus court est d’en rire moi-même. Allez, ma fille, un homme moins raisonnable et de moindre étoffe se fâcherait ; mais je suis trop au-dessus de votre méprise, et vous me divertiriez beaucoup si ce n’était le désagrément qu’il y a d’avoir une physionomie commune avec ce coquin-là. La nature pouvait se passer de lui donner le double de la mienne, et c’est un affront qu’elle m’a fait ; mais ce n’est pas votre faute : parlons de votre maîtresse.

Lisette.

Oh ! monsieur, n’y ayez point de regret ; celui pour qui je vous prenais est un garçon fort aimable, fort amusant, plein d’esprit et d’une très jolie figure.

Frontin.

J’entends bien, la copie est parfaite.

Lisette.

Si parfaite que je n’en reviens point, et tu serais le plus grand maraud… Monsieur, je me brouille encore, la ressemblance m’emporte.

Frontin.

Ce n’est rien, je commence à m’y faire : ce n’est pas à moi à qui vous parlez.

Lisette.

Non, monsieur ; c’est à votre copie, et je voulais