Page:Marivaux - Théâtre, vol. II.djvu/473

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Lucidor.

C’est qu’en revanche des soins que madame Argante et toute sa maison ont eu de moi pendant ma maladie, j’ai songé à marier Angélique à quelqu’un de fort riche, qui va se présenter, qui ne veut précisément épouser qu’une fille de campagne, de famille honnête, et qui ne se soucie pas qu’elle ait du bien.

Maître Blaise.

Morgué ! vous me faites là un vilain tour avec voute avisement, monsieur Lucidor ; v’là qui m’est bian rude, bian chagrinant et bian traître. Jarnigué ! soyons bons, je l’approuve, mais ne foulons parsonne ; je sis voute prochain autant qu’un autre, et ne faut pas peser sur sti-ci, pour alléger sti-là. Moi qui avais tant de peur que vous ne mouriez ; c’était bian la peine de venir vingt fois demander : « Comment va-t-il, comment ne va-t-il pas ? » V’là-t-il pas une santé qui m’est bian chanceuse, après vous avoir mené moi-même sti-là qui vous a tiré deux fois du sang, et qui est mon cousin, afin que vous le sachiez, mon propre cousin germain ! Ma mère était sa tante ; et jarni ! ce n’est pas bian fait à vous.

Lucidor.

Votre parenté avec lui n’ajoute rien à l’obligation que je vous ai.

Maître Blaise.

Sans compter que c’est cinq bonnes mille livres que vous m’ôtez comme un sou, et que la petite aura en mariage.

Lucidor.

Calmez-vous ; est-ce cela que vous en espérez ? Eh bien ! je vous en donne douze pour en épouser