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Lisette.

Oui ; la voici, Lubin me l’a rendue ; j’ignore quelle fantaisie lui a pris, mais il est vrai qu’elle est de fort mauvaise humeur. Je n’ai pu m’expliquer avec elle à cause du monde qu’il y avait au logis ; mais elle est triste, elle m’a battu froid, et je l’ai trouvée toute changée. Je viens pourtant de l’apercevoir là-bas, et j’arrive pour vous en avertir. Attendons-la ; sa rêverie pourrait bien tout doucement la conduire ici.

Dorante.

Non, Lisette ; ma vue ne ferait que l’irriter peut-être ; il faut respecter ses dégoûts pour moi, je ne les soutiendrais pas, et je me retire.

Lisette.

Que les amants sont quelquefois risibles ! Qu’ils disent de fadeurs ! Tenez, fuyez-la, monsieur ; car elle arrive ; fuyez-la, pour la respecter.



Scène III

ANGÉLIQUE, DORANTE, LISETTE.
Angélique.

Quoi ! monsieur est ici ! Je ne m’attendais pas à l’y trouver.

Dorante.

J’allais me retirer, madame. Lisette vous le dira ; je n’avais garde de me montrer. Le mépris que vous avez fait de ma lettre m’apprend combien je vous suis odieux.

Angélique.

Odieux ! Ah ! j’en suis quitte à moins. Pour