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Madame Argante.

Je t’offre, si tu le veux, de reprendre ma qualité de mère pour te le défendre.

Angélique.

Non vraiment ; ne reprenez rien, je vous prie. Ceci doit être un secret pour vous en cette qualité-là, et je compte que vous ne savez rien ; au moins, vous me l’avez promis.

Madame Argante.

Oh ! je tiendrai parole ; mais puisque cela est si sérieux, peu s’en faut que je ne verse des larmes sur le danger où je te vois de perdre l’estime qu’on a pour toi dans le monde.

Angélique.

Comment donc ? l’estime qu’on a pour moi ! Vous me faites trembler. Est-ce que vous me croyez capable de manquer de sagesse ?

Madame Argante.

Hélas ! ma fille, vois ce que tu as fait ; te serais-tu crue capable de tromper ta mère, de voir à son insu un jeune étourdi, de courir les risques de son indiscrétion et de sa vanité, de t’exposer à tout ce qu’il voudra dire, et de te livrer à l’indécence de tant d’entrevues secrètes, ménagées par une misérable suivante sans cœur, qui ne s’embarrasse guère des conséquences, pourvu qu’elle y trouve son intérêt, comme elle l’y trouve sans doute ? Qui t’aurait dit, il y a un mois, que tu t’égarerais jusque-là, l’aurais-tu cru ?