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Frontin.

Ahi ! j’ai la moitié du cœur emporté de ce coup d’œil-là. Bon quartier, ma fille, je t’en conjure ; ménageons-nous, nos intérêts le veulent ; je ne suis resté que pour te le dire.

Lisette.

Achève, de quoi s’agit-il ?

Frontin.

Tu me parais être le mieux du monde avec ta maîtresse.

Lisette.

C’est moi qui suis la sienne : je la gouverne.

Frontin.

Bon ! les rangs ne sont pas mieux observés entre mon maître et moi ; supposons à présent que ta maîtresse se marie.

Lisette.

Mon autorité expire, et le mari me succède.

Frontin.

Si mon maître prenait femme, c’est un ménage qui tombe en quenouille ; nous avons donc intérêt qu’ils gardent tous deux le célibat.

Lisette.

Aussi ai-je défendu à ma maîtresse d’en sortir, et heureusement son obéissance ne lui coûte rien.

Frontin.

Ta pupille est d’un caractère rare ; pour mon jeune homme, il hait naturellement le nœud conjugal, et je lui laisse la vie de garçon ; ces