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La comtesse.

Eh ! monsieur, délivrez-vous d’elle, et donnez-lui les deux cent mille francs.

Le Marquis.

Deux cent mille francs plutôt que de l’épouser ! Non, parbleu ! je n’irai pas m’incommoder jusque-là ; je ne pourrais pas les trouver sans me déranger.

La comtesse.

Ne vous ai-je pas dit que j’ai justement la moitié de cette somme-là toute prête ? À l’égard du reste, on tâchera de vous la faire.

Le Marquis.

Eh ! quand on emprunte, ne faut-il pas rendre ? Si vous aviez voulu de moi, à la bonne heure ; mais dès qu’il n’y a rien à faire, je retiens la demoiselle ; elle serait trop chère à renvoyer.

La comtesse.

Trop chère ! Prenez donc garde, vous parlez comme eux. Seriez-vous capable de sentiments si mesquins ? Il vaudrait mieux qu’il vous en coûtât tout votre bien que de la retenir, puisque vous ne l’aimez pas, monsieur.

Le Marquis.

Eh ! en aimerais-je une autre davantage ? À l’exception de vous, toute femme m’est égale ; brune, blonde, petite ou grande, tout cela revient au même, puisque je ne vous ai pas, que je ne puis vous avoir, et qu’il n’y a que vous que j’aimais.

La comtesse.

Voyez donc comment vous ferez ; car enfin, est-ce une nécessité que je vous épouse à cause