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Le Chevalier, avec un effroi hypocrite.

C’est une chose affreuse ! il n’y a point d’exemple de cela.

Le Marquis.

Je ne m’en soucie guère ; elle sera ma femme, mais en revanche je serai son mari : c’est ce qui me console, et ce sont plus ses affaires que les miennes. Aujourd’hui le contrat, demain la noce, et ce soir confinée dans son appartement ; pas plus de façon. Je suis piqué, je ne donnerais pas cela de plus.

La comtesse.

Pour moi, je serais d’avis qu’on les empêchât absolument de s’engager ; et un notaire honnête homme, s’il était instruit, leur refuserait tout net son ministère. Je les enfermerais si j’étais la maîtresse. Hortense peut-elle se sacrifier à un aussi vil intérêt ? Vous qui êtes né généreux, chevalier, et qui avez du pouvoir sur elle, retenez-la ; faites-lui, par pitié, entendre raison, si ce n’est par amour. Je suis sûre qu’elle ne marchande si vilainement qu’à cause de vous.

Le Chevalier, à part.

Il n’y a plus de risque à tenir bon. (Haut.) Que voulez-vous que j’y fasse, comtesse ? Je n’y vois point de remède.

La comtesse.

Comment ? que dites-vous ? Il faut que j’aie mal entendu ; car je vous estime.

Le Chevalier.

Je dis que je ne puis rien là-dedans, et que c’est ma tendresse qui me défend de la résoudre à ce que vous souhaitez.