Page:Marivaux - Théâtre, vol. II.djvu/267

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ment de soi ; mais avec de la modestie, on parle, on se propose. Parlez, marquis ; parlez, tout ira bien.

Le Marquis.

Hélas ! si vous saviez qui c’est, vous ne m’exhorteriez pas tant. Que vous êtes heureuse de n’aimer rien et de mépriser l’amour !

La comtesse.

Moi, mépriser ce qu’il y a au monde de plus naturel ! cela ne serait pas raisonnable. Ce n’est pas l’amour, ce sont les amants tels qu’ils sont la plupart, que je méprise, et non pas le sentiment qui fait qu’on aime, qui n’a rien en soi que de fort honnête, de fort permis et de fort involontaire. C’est le plus doux sentiment de la vie ; comment le haïrais-je ? Non, certes, et il y a tel homme à qui je pardonnerais de m’aimer, s’il me l’avouait avec cette simplicité de caractère que je louais tout à l’heure en vous.

Le Marquis.

En effet, quand on le dit naïvement comme on le sent…

La comtesse.

Il n’y a point de mal alors. On a toujours bonne grâce ; voilà ce que pense. Je ne suis pas une âme sauvage.

Le Marquis.

Ce serait bien dommage… Vous avez la plus belle santé !

La comtesse, à part.

Il est bien question de ma santé ! (Haut.) C’est l’air de la campagne.