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que j’étais un garçon assez revenant ; mais nous y retournerons ; c’est partie à remettre. Écoutez le restant. Il est certain que mon maître distingue tendrement votre maîtresse. Aujourd’hui même il m’a confié qu’il méditait de vous communiquer ses sentiments.

Lisette.

Comme il lui plaira. La réponse que j’aurai l’honneur de lui communiquer sera courte.

Lépine.

Remarquons d’abondance que la comtesse se plaît avec mon maître, qu’elle a l’âme joyeuse en le voyant. Vous me direz que nos gens sont étranges personnes, et je vous l’accorde. Le marquis, homme tout simple, peu hasardeux dans le discours, n’osera jamais aventurer la déclaration ; et des déclarations, la comtesse les épouvante ; femme qui néglige les compliments, qui vous parle entre l’aigre et le doux, et dont l’entretien a je ne sais quoi de sec, de froid, de purement raisonnable. Le moyen que l’amour puisse être mis en avant avec cette femme ! Il ne sera jamais à propos de lui dire : « Je vous aime », à moins qu’on ne le lui dise à propos de rien. Cette matière, avec elle, ne peut tomber que des nues. On dit qu’elle traite l’amour de bagatelle d’enfant ; moi, je prétends qu’elle a pris goût à cette enfance. Dans cette conjoncture, j’opine que nous encouragions ces deux personnages. Qu’en sera-t-il ? Qu’ils s’aimeront bonnement, en toute simplesse, et qu’ils s’épouseront de même. Qu’en sera-t-il ? Qu’en me voyant votre camarade, vous me rendrez votre mari par la douce habitude de me voir. Eh donc ! parlez, êtes-vous d’accord ?