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ment il n’a pas encore emporté le vôtre, et que je vous crois encore à peu près dans tout votre bon sens, vu le peu de temps qu’il y a que vous le connaissez, je vous prie de m’aider à le rendre plus sage. Assurément vous êtes fort jolie ; mais vous ne le disputerez point à un pareil établissement ; il n’y a point de beaux yeux qui vaillent ce prix-là.

Marton.

Quoi ! monsieur Remy, c’est de Dorante que vous parlez ? C’est pour se garder à moi qu’il refuse d’être riche ?

Monsieur Remy.

Tout juste, et vous êtes trop généreuse pour le souffrir.

Marton, avec un air de passion.

Vous vous trompez, monsieur ; je l’aime trop moi-même pour l’en empêcher et je suis enchantée. Oh ! Dorante, que je vous estime ! Je n’aurais pas cru que vous m’aimassiez tant.

Monsieur Remy.

Courage ! je ne fais que vous le montrer, et vous en êtes déjà coiffée ! Pardi, le cœur d’une femme est bien étonnant ! le feu y prend bien vite.

Marton, comme chagrine.

Eh ! monsieur, faut-il tant de bien pour être heureux ? Madame, qui a de la bonté pour moi, suppléera en partie par sa générosité à ce qu’il me sacrifie. Que je vous ai d’obligation, Dorante !

Dorante.

Oh ! non, mademoiselle, aucune. Vous n’avez