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Monsieur Remy, d’un ton railleur, et traînant ses mots.

J’ai le cœur pris ! voilà qui est fâcheux ! Ah ! ah ! le cœur est admirable ! Je n’aurais jamais deviné la beauté des scrupules de ce cœur-là, qui veut qu’on reste intendant de la maison d’autrui pendant qu’on peut l’être de la sienne ! Est-ce là votre dernier mot, berger fidèle ?

Dorante.

Je ne saurais changer de sentiment, monsieur.

Monsieur Remy.

Oh ! le sot cœur, mon neveu ! Vous êtes un imbécile, un insensé ; et je tiens celle que vous aimez pour une guenon, si elle n’est pas de mon sentiment. N’est-il pas vrai, madame ? et ne le trouvez-vous pas extravagant ?

Araminte, doucement.

Ne le querellez point. Il paraît avoir tort, j’en conviens.

Monsieur Remy, vivement.

Comment, madame ! il paraît…

Araminte.

Dans sa façon de penser je l’excuse. Voyez pourtant, Dorante, tâchez de vaincre votre penchant, si vous le pouvez. Je sais bien que cela est difficile.

Dorante.

Il n’y a pas moyen, madame, mon amour m’est plus cher que ma vie.

Monsieur Remy, d’un air étonné.

Ceux qui aiment les beaux sentiments doivent