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Monsieur Remy.

C’est qu’en venant ici, j’ai rêvé à une chose… Elle est jolie, au moins.

Dorante.

Je le crois.

Monsieur Remy.

Et de fort bonne famille ; c’est moi qui ai succédé à son père ; il était fort ami du vôtre, homme un peu dérangé ; sa fille est restée sans bien. La dame d’ici a voulu l’avoir ; elle l’aime, la traite bien moins en suivante qu’en amie, lui a fait beaucoup de bien, lui en fera encore, et a offert même de la marier. Marton a d’ailleurs une vieille parente asthmatique dont elle hérite, et qui est à son aise. Vous allez être tous deux dans la même maison ; je suis d’avis que vous l’épousiez ; qu’en dites-vous ?

Dorante.

Eh !… mais je ne pensais pas à elle.

Monsieur Remy.

Eh bien, je vous avertis d’y penser ; tâchez de lui plaire. Vous n’avez rien, mon neveu ; je dis rien qu’un peu d’espérance. Vous êtes mon héritier ; mais je me porte bien, et je ferai durer cela le plus longtemps que je pourrai. Sans compter que je puis me marier ; je n’en ai point d’envie, mais cette envie-là vient tout d’un coup ; il y a tant de minois qui vous la donnent : avec une femme on a des enfants, c’est la coutume ; auquel cas, serviteur au collatéral. Ainsi, mon neveu, prenez toujours vos petites précautions, et vous mettez en état de vous passer de mon bien, que je vous destine aujourd’hui, et que je vous ôterai demain peut-être.