Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1830, tome 9.djvu/25

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas moins persuadée. Oui, vous m’aimez ; je le savais même avant que vous me l’eussiez avoué. Je vous examinais quelquefois, sans le vouloir, et je vous trouvais comme il me semblait qu’on devait être quand on aimait. Hélas ! je ne savais pas encore que je souhaitais alors de vous trouver comme vous étiez. Juste ciel ! moi, qui n’avais jamais eu d’amour, comment pénétrais-je celui que vous me cachiez ? Comment étais-je sûre que je ne me trompais pas ? D’où vient que je ne m’apercevais pas que je vous aimais moi-même ? Le voilà, cet aveu que vous demandiez ; voilà ce mot si important à votre bonheur, et que je n’osai prononcer dans notre dernier entretien. Hélas ! vous n’en aviez pas besoin non plus, et j’étais folle de n’oser vous dire ce que vous voyiez si clairement. Pour un aveu que vous refusait ma bouche, combien ma complaisance pour vos discours vous en prodiguait-elle ! Souvenez-vous de vos caresses. Il est vrai qu’elles étaient innocentes, mais je m’en défendais mal. Eh ! n’était-ce pas vous les rendre ? N’importe, soyez content, je vous aime, et tout inutile qu’il est de vous le dire, je m’en étais fait une honte, et je vous la sacrifie. Je me flattais de n’avoir pas encore violé mon devoir, tant que cet aveu restait à faire. Malheu-

    avec une vérité souvent admirable les plus secrets sentimens d’une femme mariée, d’une femme du monde, qui, comme il le dit lui-même, est jeune, aimable, et veut être vertueuse.