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qui demandait la paix. Qu'est-ce, mon ami ? Qui êtes-vous ? Eh ! que voulez-vous ? Qu'est-ce que c'est que cet Ergaste ? Allez, vous vous méprenez, retirez-vous, je ne connais point cela. Madame, que votre beauté ait pour agréable de m'entendre ; je parle pour un homme à demi mort, et peut-être actuellement défunt, qu'un petit nègre est venu de votre part assassiner dans des tablettes : et voici les mourantes lignes que vous adresse dans ce papier son douloureux amour. Je pleurais moi-même en lui tenant ces propos lugubres, on eût dit que vous étiez enterré, et que c'était votre testament que j'apportais.

ERGASTE

Achève. Que t'a-t-elle répondu ?

FRONTIN, lui montrant le billet.

Sa réponse ? la voilà mot pour mot ; il ne faut pas grande mémoire pour en retenir les paroles.

ERGASTE

L'ingrate !

FRONTIN

Quand j'ai vu cette action barbare, et le papier couché sur la poussière, je l'ai ramassé ; ensuite, redoublant de zèle, j'ai pensé que mon esprit devait suppléer au vôtre, et vous n'avez rien perdu au change. On n'écrit pas mieux que j'ai parlé, et j'espérais déjà beaucoup de ma pièce d'éloquence, quand le vent d'un revers de main, qui m'a frisé la moustache, a forcé le harangueur d'arrêter aux deux tiers de sa harangue.