Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1830, tome 5.djvu/324

Cette page n’a pas encore été corrigée

vu pleurer, Monsieur : mes larmes apparemment ne sont pas touchantes ; car votre fils n'en a tenu compte, et je conviens avec vous que c'est un étourdi, un évaporé, un libertin qui n'est pas digne de vos bontés.

MONSIEUR ORGON

Doucement, il mérite les noms que tu lui donnes, mais ce n'est pas à toi à les lui donner.

PASQUIN

Hélas ! Monsieur, il ne les mérite pas non plus ; et je ne les lui donnais que par complaisance pour votre colère et pour ma justification : mais la vérité est que c'est un fort estimable jeune homme, qui n'a joué que par politesse, et qui n'a perdu que par malheur.

MONSIEUR ORGON

Passe encore s'il n'avait point d'inclination pour le jeu.

PASQUIN

Eh ! non, Monsieur, je vous dis que le jeu l'ennuie ; il y bâille, même en y gagnant : vous le trouverez un peu changé, car il vous craint, il vous aime. Oh ! cet enfant-là a pour vous un amour qui n'est pas croyable.

MONSIEUR ORGON

Il me l'a toujours paru, et j'avoue que jusqu'ici je n'ai rien vu que de louable en lui ; je voulais achever de le connaître : il est jeune, il a fait une faute, il n'y a rien d'étonnant, et je la lui pardonne, pourvu