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FRONTIN

Mais, Monsieur, faut-il encore vous répéter que ses yeux me répondirent ? N'est-ce rien que des yeux qui parlent ? Ce qu'ils disent est encore plus sûr que des paroles. Mon maître en tient pour votre maîtresse, lui dis-je tout bas en me rapprochant d'elle ; son cœur est pris, c'est autant de perdu ; celui de votre maîtresse me paraît bien aventuré, j'en crois la moitié de partie, et l'autre en l'air. Du mien, vous n'en avez pas fait à deux fois, vous me l'avez expédié d'un coup d'œil ; en un mot, ma charmante, je t'adore : nous reviendrons demain ici, mon maître et moi, à pareille heure, ne manque point d'y mener ta maîtresse, afin qu'on donne la dernière main à cet amour-ci, qui n'a peut-être pas toutes ses façons ; moi, je m'y rendrai une heure avant mon maître, et tu entends bien que c'est t'inviter d'en faire autant ; car il sera bon de nous parler sur tout ceci, n'est-ce pas ? Nos cœurs ne seront pas fâchés de se connaître un peu plus à fond, qu'en penses-tu, ma poule ? Y viendras-tu ?

ERGASTE

À cela nulle réponse ?

FRONTIN

Ah ! vous m'excuserez.

ERGASTE

Quoi ! Elle parla donc ?

FRONTIN

Non.