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sur le sopha avec un air d’émotion sur le visage qui m’en donna beaucoup à moi-même.

Je la regardais, elle me regardait, elle rougissait ; le cœur me battait, je crois que le sien allait de même ; et la tête commençait à nous tourner à tous deux, quand elle me dit : Écoute-moi, la Vallée, tu vois bien qu’on peut entrer à tout moment, et puisque tu m’aimes, il ne faut plus nous voir ici, car tu n’y es pas assez sage. Un soupir interrompit ce discours.

Tu es marié ? reprit-elle après. Oui, de cette nuit, lui dis-je. De cette nuit ? me répondit-elle. Eh bien, conte-moi ton amour ; en as-tu eu beaucoup ? Comment trouves-tu ta femme ? M’aimerais-tu bien autant qu’elle ? Ah ! que je t’aimerais à sa place ! Ah ! repartis-je, que je vous rendrais bien le change. Est-il vrai ? me dit-elle ; mais ne parlons plus de cela, la Vallée ; nous sommes trop près l’un de l’autre, recule-toi un peu, je crains toujours une surprise. J’avais quelque chose à te dire, et ton mariage me l’a fait oublier ; nous aurions été plus tranquilles dans mon cabinet, j’y suis ordinairement, mais je ne prévoyais pas que tu viendrais ce soir. À propos, j’aurais pourtant envie que nous y allassions, pour te