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tombais insensiblement dans le ton familier.

Laisse-là mon pied, dit-elle, et remets-moi ma pantoufle ; il faut que nous causions sur ce que tu viens de me dire, et voir un peu ce que nous ferons de cet amour que tu as pour moi.

Est-ce que par malheur il vous fâcherait ? lui dis-je. Eh ! non, la Vallée, il ne me fâche point, me répondit-elle ; il me touche au contraire, tu ne m’as que trop plu, tu es beau comme l’Amour.

Eh ! lui dis-je, qu’est-ce que c’est mes beautés auprès des vôtres ? Un petit doigt de vous vaut mieux que tout ce que j’ai en moi ; tout est admirable en vous : voyez ce bras, cette belle façon de corps, des yeux que je n’ai jamais vu à personne ; et là-dessus, les miens la parcouraient tout entière. Est-ce que vous n’avez pas pris garde comme je vous regardais la première fois que je vous ai vue ? lui disais-je ; je devinais que votre personne était charmante, plus blanche qu’un cygne : ah ! si vous saviez le plaisir que j’ai eu à venir ici, madame, et comme quoi je croyais toujours tenir votre chère main que je baisai l’autre jour, quand vous me donnâtes la lettre. Ah ! tais-toi, me dit-elle en mettant cette main sur ma bouche pour me la fermer ; tais-toi, la Vallée, je ne saurais t’écouter de sang-froid. Après quoi, elle se rejeta