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alors qu’elles étaient femmes partout. Je n’étais pourtant encore qu’un paysan ; car qu’est-ce que c’est qu’un séjour de quatre ou cinq mois à Paris ? Mais il ne faut ni délicatesse ni usage du monde pour être tout d’un coup au fait de certaines choses, surtout quand elles sont à leur vrai point de vue ; il ne faut que des sens, et j’en avais.

Ainsi, cette belle jambe et ce joli petit pied sans pantoufle me firent beaucoup de plaisir à voir.

J’ai bien vu depuis des objets de ce genre-là qui m’ont toujours plu, mais jamais tant qu’ils me plurent alors ; aussi, comme je l’ai déjà dit, était-ce la première fois que je les sentais ; c’est tout dire, il n’y a point de plaisir qui ne perdre à être déjà connu.

Je fis, en entrant, deux ou trois révérences à Mme de Ferval, qui, je pense, ne prit pas garde si elles étaient bien ou mal faites ; elle ne me demandait pas des grâces acquises, elle n’en voulait qu’à mes grâces naturelles, qu’elle pouvait alors remarquer encore mieux qu’elle ne l’avait fait, parce que j’étais plus paré.

De l’air dont elle me regarda, je jugeai qu’elle ne s’était pas attendue à me voir ni si bien fait ni de si bonne mine.

Comment donc, s’écria-t-elle avec surprise, et en se relevant un peu de dessus son sopha, c’est vous, la Vallée ! je ne vous reconnais pas ; voilà vraiment une très jolie figure, mais très jolie ; approchez, mon cher enfant, approchez ; prenez un siège, et