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surcroît de chagrin, c’est que nous ne pouvions leur apparaître dans un instant qui leur rendît notre apparition plus humiliante et plus douloureuse. Le hasard y joignait des accidents faits exprès pour les désoler ; c’était triompher d’eux d’une manière superbe, et qui aurait été insolente si nous l’avions méditée ; et c’est, ne vous déplaise, qu’au moment qu’ils nous aperçurent, nous éclations de rire, Mme de Ferval, Mlle Habert et moi, de quelque chose de plaisant que j’avais dit ; ce qui joint à la pompe triomphante avec laquelle Mme de Ferval semblait nous mener, devait assurément leur percer le cœur.

Nous les saluâmes fort honnêtement ; ils nous rendirent le salut comme gens confondus, qui ne savaient plus ce qu’ils faisaient, et qui pliaient sous la force du coup qui les assommait.

Vous saurez encore qu’ils venaient tous deux de chez Mlle Habert la cadette (nous l’apprîmes en rentrant), et que là on leur avait dit que j’étais en prison ; car Mme d’Alain, qui avait été présente au rapport du geôlier que j’avais envoyé de la prison, n’avait pas pu se taire, et tout en les grondant en notre faveur, les avait régalés de cette bonne nouvelle.

Jugez des espérances qu’ils en avaient tirées contre moi. Un homme en prison, qu’a-t-il fait ? Ce n’est pas nous qui avons part à cela ; ce n’est pas le président non plus, qui a refusé de nous servir ; il faut donc que ce soit pour quelque action étrangère à notre