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sans compter l’agrément que j’eus d’y entendre de tous côtés faire l’éloge de ma physionomie, ce qui mit Mlle Habert de la meilleure humeur du monde, et l’engagea à me regarder avec une avidité qu’elle n’avait pas encore eue.

Je la voyais qui se pénétrait du plaisir de me considérer, et qui se félicitait d’avoir eu la justice de me trouver si aimable.

J’y gagnai même auprès de Mme de Ferval, qui, de son côté, en appliqua sur moi quelques regards plus attentifs qu’à l’ordinaire, et je suis persuadé qu’elle se disait : Je ne suis donc point de si mauvais goût, puisque tout le monde est de mon sentiment.

Ce que je vous dis là, au reste, se passait en parlant ; aussi étais-je bien content, et ce ne fut pas là tout.

Nous approchions de la maison de Mlle Habert, où Mme de Ferval voulait nous mener, quand nous rencontrâmes, à la porte d’une église, la sœur aînée de ma future et M. Doucin, qui causaient ensemble, et qui semblaient parler d’action. Un carrosse, qui retarda la course du nôtre, leur donna tout le temps de nous apercevoir.

Quand j’y songe, je ris encore du prodigieux étonnement où ils restèrent tous deux en nous voyant.

Nous les pétrifiâmes ; ils en furent si déroutés, si étourdis, qu’il ne leur resta pas même assez de présence d’esprit pour nous faire la moue, comme ils n’y auraient pas manqué s’ils avaient été moins saisis ; mais il y a des choses qui terrassent, et pour