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répondre à la prière qu’il me fit de lui pardonner mon accident : Moi, monsieur, lui dis-je à mon tour, je prie Dieu d’avoir pitié de vous et de votre âme.

Voilà tout ce que je dirai là-dessus. Mlle Habert revint me voir après toutes les corvées que j’avais essuyées ; le secrétaire était encore avec elle ; il nous laissa quelque temps seuls, jugez avec quel attendrissement nos cœurs s’épanchèrent ! On est de si bonne humeur, on sent quelque chose de si doux dans l’âme quand on sort d’un grand péril, et nous en sortions tous deux chacun à notre manière ; car à tout prendre, ma vie avait été exposée, et Mlle Habert avait couru risque de me perdre ; ce qu’elle regardait à son tour comme un des plus grands malheurs du monde, surtout si elle m’avait perdu dans cette occasion.

Elle me conta tout ce qu’elle avait fait, les nouveaux mouvements que s’était donné Mme de Ferval, tant auprès du président qu’auprès du magistrat qui m’avait interrogé.

Nous bénîmes mille et mille fois cette dame pour les bons services qu’elle nous avait rendus ; ma future s’extasiait sur sa charité et sur sa piété : La bonne chrétienne ! s’écria-t-elle, la bonne chrétienne ! Et moi, disais-je, le bon cœur de femme, car je n’osais pas répéter les termes de Mlle Habert, ni employer les mêmes éloges qu’elle ; j’avais la conscience d’en prendre d’autres ; et en vérité il n’y aurait pas eu de pudeur, en présence de ma future, à