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effet, elle mourut quand on le ramena vers elle) ; elle est morte d’horreur en me revoyant, et en m’appelant son assassin. J’ai tué mon ami, dont j’étais devenu le rival (et il est vrai qu’il se mourait aussi) ; je les ai tué tous deux en furieux ; je suis au désespoir, je me regarde comme un monstre, je me fais horreur, je me serais poignardé moi-même si je n’avais pas été pris ; je ne suis pas digne d’avoir le temps de me reconnaître et de me repentir de ma rage ; qu’on me condamne, qu’on les venge ; je demande la mort comme une grâce ; épargnez-moi des longueurs qui me font mourir mille fois pour une, et renvoyez ce jeune homme qu’il est inutile de retenir ici, et que je n’ai jamais vu que dans ce passage, où je l’aurais tué lui-même de peur qu’il ne me reconnût, si, dans le trouble où j’étais en fuyant, mon épée ne m’avait pas échappé des mains ; renvoyez-le, monsieur, qu’il se retire, je me reproche la peine qu’on lui a faite, et je le prie de me pardonner la frayeur où je le vois, et dont je suis cause ; il n’a rien de commun avec un abominable comme moi.

Je frémis en l’entendant dire qu’il avait eu dessein de me tuer, ç’aurait été bien pis que d’être en prison. Malgré cet aveu, pourtant, je plaignis alors cet infortuné coupable, son discours m’attendrit, et pour