Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1827, tome 8.djvu/69

Cette page n’a pas encore été corrigée

rêvai toujours, mais tranquillement ; à la fin pourtant ma tristesse revint. Je laisse là le récit de tout ce qui se passa depuis la visite de Mlle Habert, pour en venir à l’instant où je comparus devant un magistrat, accompagné d’un autre homme de justice qui paraissait écrire, et dont je ne savais ni le nom ni les fonctions ; vis-à-vis d’eux était encore un homme d’une extrême pâleur, et qui avait l’air accablé, avec d’autres personnes dont il me sembla qu’on recevait les dépositions.

On m’interrogea ; ne vous attendez point au détail exact de cet interrogatoire, je ne me ressouviens point de l’ordre qu’on y observa ; je n’en rapporterai que l’article essentiel, qui est que cet homme si défait, qui était précisément l’homme de l’allée, dit qu’il ne me connaissait pas ; j’en dis autant de lui. Je racontai mon histoire, et la racontai avec des expressions si naïves sur mon malheur, que quelques-uns des assistants furent obligés de se passer la main sur le visage pour cacher qu’ils souriaient.

Quand j’eus fini : Je vous le répète encore, dit le prisonnier les larmes aux yeux, je n’ai eu ni confident ni complice ; je ne sais pas si je pourrais disputer ma vie, mais elle m’est à charge, et je mérite de la perdre. J’ai tué ma maîtresse, je l’ai vu expirer (et en