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quand il fut parti, en quel état est-ce que je te retrouve ? j’en ai pris un saisissement qui me tient encore et qui m’étouffe ; j’ai cru que ce serait aujourd’hui le dernier jour de ma vie. Eh ! mon enfant, quand tu as vu cet embarras, que ne prenais-tu par une autre rue ?

Eh ! mon aimable cousine, lui dis-je, c’était pour jouir plus tôt de votre vue que je voulais aller par le plus droit chemin ; qui est-ce qui va penser qu’une rue est si fatale ? on marche, on est impatient, on aime une personne qu’on va trouver, et on prend son plus court ; cela est naturel.

Je lui baignais les mains de pleurs en lui tenant ce discours, et elle en versait tant qu’elle pouvait aussi.

Qui est cet homme que vous avez amené avec vous, lui dis-je, et d’où venez-vous, cousine ? Hélas ! me dit-elle, je n’ai fait que courir depuis la lettre que tu m’as envoyée ; Mme de Ferval m’y faisait tant d’honnêtetés, tant d’offres de service, que j’ai d’abord songé à m’adresser à elle pour la prier de nous secourir. C’est une bonne dame, elle n’en aurait pas mieux agi quand ç’aurait été pour son fils ; je l’ai vue presque aussi fâchée que je l’étais. Ne vous chagrinez