Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1827, tome 8.djvu/62

Cette page n’a pas encore été corrigée

et je tire encore un louis d’or ; je n’avais pas d’autre monnaie.

Voulez-vous, me répondit-il en s’en allant, qu’au lieu de vous rendre votre reste, je vous fournisse de vin tant que cela durera ? vous aurez bien le loisir de le boire.

Comme il vous plaira, dis-je humblement, et le cœur serré de me voir en commerce avec ce nouveau genre d’hommes qu’il fallait remercier du bien qu’on leur faisait.

Ce vin arriva fort à propos, car j’allais tomber en faiblesse quand on me l’apporta ; mais il me remit, et je ne me sentis plus pour tout mal qu’une extrême impatience de voir ce que produirait la nouvelle dont j’avais fait informer la secourable Mlle Habert.

Quelquefois son évanouissement m’inquiétait un peu, je craignais qu’il ne la mît hors d’état d’agir elle-même, et je m’en fiais bien plus à elle qu’à tous les amis qu’elle aurait pu employer pour moi.

D’un autre côté, cet évanouissement m’était un garant de sa tendresse et de la vitesse avec laquelle elle viendrait à mon secours.

Trois heures s’étaient déjà passées depuis qu’on m’avait apporté du vin, quand on vint me dire que deux personnes me demandaient en bas, qu’elles ne monteraient point, et que je pouvais descendre.

Le cœur m’en battit de joie ; je suivis le geôlier, qui me mena dans une chambre, où en entrant je